En 1918, deux statues en grès provenant de Dông Phuc (Canton de Binh Dien, huyen de Binh So'n, dans le nord du Quang Ngai) entraient au Musée de Tourane (Dà Nang).
Marie-Christine DUFLOS1
Elles avaient été trouvées avant 1900 dans le plus important des deux tertres du site à 2 km au sud-est de la mission de Cu Va où elles furent transportées vers 19012. Ce sont les seules sculptures que H. Parmentier ait trouvé dans la région comprise entre la Sông Tam (sud Quang Nam) et la Sông Trà Kuk (nord Quang Ngai).
La première, une statue d'homme accroupi avait déjà perdu sa tête lors de son entrée au musée. Cette dernière n'est connue que par un petit dessin de H. Parmentier dans le tome II de son Inventaire, (p. 471, fig 145 A). Le lieu de conservation du corps nous est actuellement inconnu.
La seconde, une statue féminine debout sans bras ni pieds était cassée. H. Parmentier précise que la tête était « séparée du corps qui fut lui-même brisé en deux morceaux pendant son séjour à la cure » (Musée Cham... : 20). Non content de décrire cette statue, H. Parmentier en fit plusieurs dessins qui, s'ils permettent de reconnaître la pièce, manquent d'exactitude dans les détails3. La seule photo ancienne que nous en connaissions est un cliché EFEO du début des années 1930 reproduit dans l'ouvrage de J. Boisselier sur la sculpture chame de 19634. Il semblerait qu'à cette date, la tête ait déjà disparu. Des clichés de 1970 montrent le tronc d'où émerge le tenon qui maintenait la tête en place5. Les documents à notre disposition étant difficiles à lire nous reproduisons ici les descriptions de cette tête données par H. Parmentier et J. Boisselier auxquelles nous nous permettrons d'ajouter quelques remarques.
Pour H. Parmentier, « La tête aux traits assez fins montre un oeil frontal. Les commissures des lèvres sont très relevées et les lèvres sont accusées par un double trait qui donne l'impression trompeuse d'une légère moustache... coiffure de cheveux qui marque une indication conventionnelle de temporaux et des crans sur le front. Petit chignon cylindrique serré par une tresse et orné d'un décor en avant. Oreilles percées pour passer les attaches de bijoux réels; trou destiné à recevoir une aigrette devant le chignon.» (Musée Cham... : 19-20).
J. Boisselier ajoute à cela : « Quoique les traits de cette image appartiennent encore nettement au Style de Dông Du'o'ng, elle présente divers caractères qui semblent indiquer aussi une phase tardive du style. Le visage plus doux a une expression presque souriante et les yeux très allongés comportent l'indication des prunelles [...].
La coiffure est d'un type inaccoutumé : elle n'est plus faite de tresses notées, ni bordée d'un liseré uni et la jâta est devenu un véritable chignon sans mèches latérales. La partie antérieure de la chevelure présente deux dépressions que semble seule légitimer l'existence d'une coiffure rapportée. H. Parmentier notait d'ailleurs qu'un trou en avant supposait une parure mobile [...].
Il est difficile d'imaginer l'identité de cette statue qui porte un oeil frontal et dont la jatâ s'orne, en avant, d'un motif qui semble être un demi lotus.» (La statuaire : 132).
Nous ajouterons que : sur la photographie, le visage est un peu plus carré et plein que sur le dessin de H. Parmentier ; la bouche au sourire léger est grande avec des lèvres bordées relativement fines ; le bord inférieur des yeux est droit alors que la paupière supérieure est courbe. Quant à l'oeil frontal, il nous est impossible d'en déterminer exactement la forme (goutte comme le dessine H. Parmentier, ou en losange comme c'est souvent le cas dans l'art Cham ?), mais il est placé juste au dessus de la jonction des sourcils, presque à les toucher. La forme et l'arrangement du chignon sont, à notre connaissance, uniques dans l'art Cham de même que le petit bijou en forme de fleur qui apparaît à l'avant de la coiffure, à demi caché par la tresse qui maintient l'ensemble. La photo montre un petit décrochement sur le front, dans la partie droite de l'échancrure de la chevelure, correspondant sans doute à un accident. Enfin, le bord supérieur de l'oreille droite, seule visible, paraît cassé.
Bien que très différente par plusieurs détails des autres statues féminines de l'art cham, cette oeuvre s'inscrit dans les prolongements du style de Dông Du'o'ng.
1 Conférencière des Musées Nationaux, attachée au Musée des Arts asiatiques Guimet.
2 H. Parmentier, Inventaire descriptif des monuments Chams de l'Annam, Paris 1900, t. I: 237-239. H. Parmentier, Le musée Cham de Tourane, BEFEO, XICX, 3,1919:19-20; N° 4.1, Uma ? et 29,N° 10.5, divinité obèse.
3 lnventaire... tll : 312, ,fig 79 pièce entière 322, fig. 84, tête ; pl. CLXXVI,Al costume. Dimensions : 0,84 ni x 0,23m x 0,14 m. La tête aurait environ 0,20 m de hauteur.
4 J. Boisselier, La statuaire du Champa, recherche sur les cultes et l'iconographie, Pub. E.F. E.O., 1963, fig 66.
5 Musée Guimet, clichés n° 32413/69 et 70. Le Musée de sculpture Cam de Dà Nang, Paris, AFAO, 1997 : 118, fig 59.
Article de "La Lettre de la SACHA" n°2, décembre 1997, pages 11 et 12.