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Cartes postales

Makara du Musée de Dà Nang
Dans les années 30-40, fut publiée une série de cartes postales reproduisant certaines oeuvres du Musée de Dà Nang2. Plusieurs de celles-ci ont été retrouvées (collection R. Pomédio/E. Hoang). La carte n°12 est identifiée au revers comme un "démon sortant de la gueule d'un makara (VIIe-VIIIe siècles)".

Marie-Christine Duflos1

Il s'agit d'un makara tourné vers la droite, de la gueule duquel émerge un démon, la jambe droite enfoncée à mi-cuisse dans la gueule du monstre aquatique, la jambe gauche repliée vers le haut (genoux plus haut que la taille, pied contre la cuisse droite). Le torse du personnage est penché vers la hanche droite, dessinant presque un demi-cercle dont la courbe est accentuée par les mains qui se rejoignent en anjali au dessus de sa tête. Il porte un sampot descendant à mi- genoux, comportant un pan central long et une poche à trois plis sur la cuisse droite. Le vêtement, retenu A la taille par une ceinture en tissu, est proche de celui des dvârapâla de Khu'o'ng My3. Le visage est carré avec des yeux exorbités ronds. La bouche, dont la lèvre inférieure est cachée par les crocs de la mâchoire supérieure, rappelle les dvârapâla précités. La coiffure se compose de "mèches" (?) superposées sur deux rangs qui évoquent en beaucoup plus simple le traitement de la couronne de cheveux du dvârapâla terrible de Trà Kiêu4. Les bijoux sont peu nombreux : deux anneaux au poignet gauche et des boucles d'oreilles en fleurs à cinq pétales. Certains deva de Dong Du'o'ng portent des boucles d'oreilles en fleurs5, mais les plus proche de celles que nous voyons ici sont celles portées par des garuda de Trà Kiêu6.
La mâchoire supérieure du makara comporte quatre crocs (la mâchoire inférieure manque) et se pro­longe presque verticalement par une trompe enroulée vers l'intérieur.
Cette dernière est surmontée d'un motif triangulaire bordé de crosses sur deux côté (un triangle semblable mais sans crosses se voit à la commissure des lèvres). L'oeil très rond est formé de 3 cercles concentriques et d'une arcade sourcilière ourlée. Quant à l'oreille, elle évoque une feuille triangulaire (J. Boisselier la dit "en cornet") et se double d'un motif semblable mais beaucoup plus petit à l'intérieur. Son ornementation extérieure est peut-être cassée.
Cette sculpture (architecturale, décor d'autel ou de retable) fut découverte au cours des 6 premiers mois de 1928 par J.Y. Claeys sur le site de TràKiêu 7. Mesurant 0,67 m. de haut, elle fut retrouvée lors des travaux de la face est de la terrasse de la tour prin­cipale du site appelé point A et faisait partie du décor de la tour. Dès la découverte, la pièce fut déposée avec de nombreuses autres au musée de Tourane (Dà Nang), mais il n'y en a plus trace. On sait que des œuvres des collections de ce même musée de Tourane furent envoyées au musée Blanchard de la Brosse de Saïgon en 1928, 1931, 1934 et 19368, mais notre makara ne semble pas avoir fait partie de ces lots. De fait, la seule pièce de comparaison que nous ayons pu trouver est conservée au musée de Ho Chi Minh Ville et provient du même site9. C'est un makara vu de son profil gauche crachant un démon dont les mains, remontées au dessus de sa tête, sont cassées. La jambe droite du démon ne se présente pas exactement comme la jambe gauche de notre pièce, et le costume comporte une variante avec un pan plissé rabattu par dessus la ceinture. Enfin l'oreille du makara est bordée d'un décor en crosse. Les deux makara peuvent avoir été utilisés en pendant.
Les sculptures du site de Trà Kiêu appartiennent au style de My So'n Al et sont datables globalement du Xe siècle, mais la relative sobriété des makara dont il est question ici et les analogies avec des pièces de Khu'o'ng My permettent peut-être de les placer un peu tôt dans le style mu.

1 Conférencière des Musées Nationaux, attachée au Musée des Arts asiatiques Guimet.
2 La collection compte au moins une vingtaine de cartes noir et blanc de format 9x14 cm avec marges blanches inégales :0, 18  cm tnarge du haut, 2 cm marge du bas, 0,5 cm marges latérales.
3 J. Boisselier, La statuaire du Champa, recherche sur les cultes et sur l'iconographie, pub/. EFEO, Paris 1963, fig. 101.
4 1. Boisselier, op. cit. fig. 104.
5 J. Boisselier, op. cit. fig. 54, 55, 56.
6 J. Boisselier, op. cit. fig. 129.
7 J. Y. Claeys, Fouilles de Tra-kieu, BEFEO, t. XXVIII, 1929, p. 578 ss, pl. XXI A.
8 L. Malleret, Catalogue général des collec­tions, tome 1 : Arts de la famille indienne, Musée Blanchard de la Brosse - Saigon, Hanoi 1937, p. 24.
9 L. Malleret, op. cit. p. 54, n° 47, inv C23.1; Champa Collection, Viet Nam Historical Museum, Ho Chi Minh City, Xuat ban nam 1994, ill. 66, p. 69.
10 J Boisselier, op. cit. p. 204, fig 139 et 140.


Il existe au Musée régional de Dà Nang un makara inédit très proche de celui ci, quoique peut-être de fac­ture plus tardive. 






 
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