Gérard MOUSSAY1
Dès le Ile ou le Ille siècle de notre ère, des inscriptions gravées sur la pierre témoignent de l'existence d'une écriture au Champa. L'alphabet utilisé, originaire sans doute de ['Inde du Sud, sert d'abord à écrire le sanskrit, puis peu à peu est utilisé pour écrire la langue pratiquée au Champa.
Au cours des siècles, l'alphabet va subir de profondes modifications pour s'adapter au parler local. C'est ainsi que vont disparaître les cérébrales, dont les autochtones n'ont pas besoin pour transcrire leur langue, et que vont être créés des signes voyelles, pour exprimer les nuances variées du systèmes vocaliques des peuplades du Champa. Après le XVe siècle, le Champa affaibli abandonne progressivement l'écriture monumentale mais l'écriture ne disparaît pas pour autant : elle est conservée à la fois par les Cham du Viêtnam et par les Cham qui émigrent au Cambodge. Les Cham du Cambodge, qui se convertissent tous à l'islam, vont cependant peu à peu oublier leur écriture au profit de l'arabe.
Les Cham du Vietnam restent donc maintenant les seuls représentants du Champa qui continuent d'utiliser l'écriture de leurs ancêtres, qui leur a été transmise dans de nombreux textes manuscrits, conservés avec soin et souvent recopiés. Ces manuscrits gravés au poinçon sur des feuilles de bananier, ou écrits à l'encre sur des papiers de facture chinoise, ne sont pas antérieurs au XVIIe siècle et présentent l'écriture chame dans son état actuel.
Le cham appartient à la famille des langues austronésiennes comme le malais en Malaisie, l'indonésien en Indonésie ou bien encore comme le jarai, le curu, le raglai, dans la Péninsule indochinoise. La plupart des mots de cette langue se présentent sous une forme dissyllabique, bien que dans le parler actuel on constate une tendance fréquente à l'amuïssement de la syllabe prétonique. Les lettrés cham s'efforcent de lutter contre cette tendance et dans l'écriture tiennent en général à conserver les mots sous leur forme dissyllabique. L'alphabet cham moderne compte 7 voyelles, 6 diphtongues et 32 consonnes. Quand les voyelles se joignent à des consonnes, elles sont remplacées par des signesvoyelles, qui se placent soit devant, soit dessus, soit après soit dessous la consonne. L'écriture chame compte encore dix signes pour noter les chiffres de 0 à 9.
1 Archiviste des Missions étrangères, Paris, auteur notamment du Dictionnaire cam-vietnamien-français, Phanrang, 1971, 498 p.
Article de "La Lettre de la SACHA" n°3, juin 1998, pages 12 et 13.